M. Meziane Meriane : « le mouvement syndical tourne en rond ! »

Publié le par Mohsen Abdelmoumen

M. Meziane Meriane. DR.

M. Meziane Meriane. DR.

Mohsen Abdelmoumen : En tant que syndicaliste, que pensez-vous de l’érosion actuelle du mouvement syndical algérien ?

Meziane Meriane : À l’image de la lutte politique très timide et conjoncturelle, le mouvement syndical algérien et en particulier dans la fonction publique est très actif mais agit par l’effet action-réaction. Une des causes essentielles du laminage du mouvement syndical est le découplage forcé du combat syndical et du politique pour les syndicats autonomes. Confiné dans un corporatisme imposé par les pouvoirs publics, le mouvement syndical tourne en rond !

Comment expliquez-vous l’absence d’un grand mouvement syndical alors que les « patrons » qui dépendent des commandes de l’État imposent leurs vues au gouvernement algérien ?

Un grand mouvement syndical nécessite l’union de toutes les forces syndicales. Plusieurs tentatives de rassemblement de syndicats autonomes qui pourra déboucher sur une centrale syndicale sont anéanties par les pouvoirs publics qui ne voient pas d’un bon œil une deuxième centrale syndicale, celle-ci se videra de ses adhérents UGTA qui prône un syndicalisme d’État dont le pouvoir en Algérie a énormément besoin.

Il faut signaler aussi que dans le secteur économique, les ouvriers qui désirent se syndiquer n’ont qu’un seul choix, à savoir l’UGTA. Une force capable de s’opposer aux dérives que l’on constate nécessite l’union de tous les fonctionnaires et ouvriers.

Un syndicat qui est engagé dans un processus de lutte authentique peut-il exister sans contrainte en Algérie ? Votre propre syndicat connaît-il des difficultés particulières ?

Avec le vide créé par le temps du parti unique, l’activité syndicale de la centrale unique, le tapage médiatique de la chaine de télévision unique, quels que soient votre engagement, vos convictions, vos arguments, vous avez en général plus à perdre qu’à gagner à dire tout haut ce que vous pensez si vous allez dans le sens contraire de la majorité. Au niveau des relations de travail entre administration et salariés, la liberté d’appartenance et l’activité syndicale constituent la pierre angulaire de l’exercice concret du droit syndical (BIT). Chez nous, ces notions ne sont que théoriques, étant donné que le fonctionnaire placé en situation de subordination juridique ne bénéficie pas de garantie contre toutes les discriminations. En outre, les syndicats autonomes sont toujours autant diabolisés et marginalisés, car nous ne sommes pas considérés comme un partenaire social avec lequel on peut ouvrir un dialogue et ce, bien que nous soyons agréés. Le recours à l’arsenal juridique et les ponctions sur les salaires des fonctionnaires lors des protestations réduisent l’activité syndicale.

Et si je vous demandais de me définir ce qu’est un syndicaliste algérien aujourd’hui ?

Un syndicaliste algérien aujourd’hui lutte sur tous les fronts médiatiques pour rétablir des vérités déformées par des chaînes de propagande des pouvoirs publics surtout lors des journées de protestation. Il essaye de ménager ses troupes sur les risques de sanctions qui pèsent sur eux, à savoir licenciements et défalcations sur les salaires à chaque conflit social. Et j’ajouterais que l’on guette un mouvement politique d’accompagnement pour atteindre certains objectifs. Pour se mouvoir dans de meilleures conditions, tout syndicat a besoin de baigner dans un mouvement politique large et puissant.

Ne pensez-vous pas que l’abandon de la lutte syndicale par l’UGTA a participé à la régression que vit le pays aujourd’hui ?

Le syndicat unique a montré ses limites, la classe ouvrière algérienne a été la première à payer le prix d’un syndicat bureaucratisé et politiquement dépendant. Il est vital pour notre pays de disposer d’interlocuteurs représentatifs du monde du travail pour établir le dialogue social nécessaire.

Le pluralisme syndical garanti par la Constitution de février 1989 représente un sérieux rempart contre la mainmise des partis politiques ou de l’État sur les travailleurs. La persécution et la marginalisation des syndicats autonomes et la destruction de tout mouvement social ainsi que le syndicalisme d’État prôné par l’UGTA ont conduit à un désert culturel et politique qui engendre l’impréparation de la classe politique et syndicale à l’évolution pour présenter une alternative.

Quelles sont vos actions à venir ?

Le syndicat SNAPEST est conscient qu’aucune amélioration durable et stratégique des conditions de vie des travailleurs ne peut survenir tant que le poids de l’intégrisme, de l’impérialisme et du système bureaucratique corrompu s’exercent sur l’État et la société.

Une des priorités du syndicat SNAPEST est de se dresser contre les dilapidations des richesses de notre pays. Il faut arriver à une transformation radicale capable d’arracher le système économique de la bureaucratie, de la spéculation, de la corruption, du gaspillage et du parasitage, pour le faire basculer dans une économie productive de richesses durable. Les syndicalistes doivent gagner en maturité, en formation, en représentativité, en combativité, en organisation et en créativité.

Interview réalisée par Mohsen Abdelmoumen

Qui est Meziane Meriane ?

Né le 9 juin 1955 à Béni Douala à Tizi Ouzou, Meziane Meriane est professeur de mathématique. Titulaire d’une licence ex science option mathématique et d’un master en sociologie, il est président du syndicat national autonome des professeurs d’enseignement secondaire et technique, le SNAPEST.

Published in Oximity, December 18, 2015: https://www.oximity.com/article/M.-Meziane-Meriane-le-mouvement-syndic-1

In Whatsupic: http://fr.whatsupic.com/sp%C3%A9ciale-monde/meziane-meriane50982.html

In Palestine Solidarité: http://www.palestine-solidarite.org/analyses.mohsen_abdelmoumen.181215.htm

Publié dans Interviews

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